Super 8 vs Attack the block
En ce moment sont présents sur les écrans deux films similaires mais au résultat et la qualité différents : Super 8 de J.J. Abrams et Attack the Block de Joe Cornish. Ayant beaucoup travaillé pour la TV, tous deux sont des touche-à-tout : Abrams a écrit Armageddon, réalisé MI:3 et le reboot de Star Trek, produit Cloverfield, joué dans Six degrés de séparation tandis que Joe Cornish a créé une émission de parodie de la pop culture avec son comparse Adam Buxton : Adam and Joe, avant de faire quelques apparitions dans les films de son pote Edgar Wright, Hot Fuzz et Shaun of the Dead, puis de co-écrire avec ce dernier Les aventures de Tintin pour Spielberg & Jackson après le départ de Steven Moffat. Mais c'est le créateur de Lost qui gagne ses galons auprès de la presse et du publique. Faut dire que le gars sait y faire niveau marketing : bandes-annonces aguicheuses, concepts intriguants, campagnes virales etc. Bref, deux gars issus du même moule geek voulant rendre hommage à tout ce qu'ils ont pu voir dans leur jeunesse puis amenés à travailler avec Spielberg. Si la volonté de faire des films-références est louable, le résultat est sans appel : Super 8 est une grosse déception tandis que Attack the Block défouraille à tous les niveaux.
Tout le monde le dit (et ne dit même que ça), Super 8 rend hommage à notre cinéma de jeunesse : E.T., Les Goonies, toussa. Il est vrai que ses thématiques sont parfois calquées sont ces péloches des années 80 (de manière un peu trop fonctionnelle d'ailleurs). Mais cela en fait-il un aussi bon film ? Non. Alors que Michael Bay s'était épanoui sous la houlette de Tonton Steven, Abrams garde ses défauts malgré la présence du réalisateur d'Indiana Jones : photo baveuse, gros plans composant 80% du film, personnages-fonction en pagaille, etc. Et surtout, il a du mal à imposer un rythme idéal tant on s'ennuie par moment. Les passages un peu plus explosifs, que l'on était en droit d'attendre, sont même extrêmement décevants : l'explosion du train et le passage souterrain en sont deux exemples. Chose curieuse, il ne parle jamais de cette époque (tout en nous enfonçant des détails dans le crâne pour bien faire comprendre que ça se passe pas aujourd'hui) alors qu'un tel sujet méritait réflexion et recul sur le cinéma d'alors. Mais non... S'il n'est pas mauvais (l'interprétation et l'honnêteté de l'ensemble rattrapent le coup), Super 8 est une grosse déception. Et c'est du côté UK qu'il faudra se tourner pour sa dose de "jeunes contre des aliens".
Attack the Block se déroule dans un quartier craignos de Londres, quartier où règnent des bandes attaquant et volant les passants. L'une de ces bandes se retrouve face à une invasion extra-terrestre le temps d'une nuit mouvementée. Avec ce film, Joe Cornish joue lui aussi dans la cour de l'hommage mais de façon plus intelligente. A l'inverse d'un Abrams cité plus haut, il ne reste pas coincé dans les années 80 et préfère vivre avec son temps pour réaliser le meilleur film possible, de la première séquence très The Thing jusqu'au "Ninja !" final. Les références sont plus implicites et ressorties sans esbroufe (E.T., Gremlins etc.). Visuellement et techniquement impeccable (il suffit de voir la bannière de l'article pour comparer la photo de Super 8 et Attack the Block), iconique, fun, violent et flippant, Attack the Block a tout pour devenir un pop corn movie culte du samedi soir.
Avant de conclure cette petite chronique, arrêtons-nous sur quatre autres métrages estampillés "hommage" : Boulevard de la mort (Tarantino), Planète terreur (Rodriguez), Matinee (Dante) et Evil Ed (Anders Jacobsson) qui représentent assez bien ce qui a été dit au dessus.
Le Tarantino raconte comment deux bandes de filles font face à un tueur en série. La première se fait dégommer rapidement et dans la douleur tandis que l'autre, plusieurs mois après, le pourchasse et lui rend la monnaie de sa pièce. La première partie est filmée comme un film des années 70 et suit ces femmes victimes tandis que la seconde a une photo et une bande son très différentes et suit des femmes qui ne se laissent pas faire. Vous voyez où il veut en venir ? Visuellement et thématiquement, Tarantino résume très bien 3 décennies d'évolution du cinéma tout en racontant son histoire.
De même avec Matinee qui parle des années 60 (soit la jeunesse du réalisateur). Mais là où Abrams ne justifie pas vraiment sa présence en 1979, Dante explicite son désir de faire vivre aux spectateurs l'ambiance et la culture de l'époque qui n'existaient plus au moment où le film était réalisé.
Rodriguez a réalisé Planète Terreur pour le dyptique Grindhouse (avec Boulevard de la mort). Et bien que le film soit ultra fun (faut avouer qu'on se marre bien devant), rien ne justifie cet "hommage" à l'écran : les défauts de pellicule sont rajoutés n'importe quand, un morceau du film manque (sciemment), les thématiques sont très 70's. Encore une fois, c'est très fun mais n'a pas l'intelligence des films précités.
Enfin, Evil Ed (notez le titre racoleur et lourdingue) raconte comment un projectionniste devient taré à force de voir des films d'horreur. De cette entrée en la matière ironique et prometteuse, le réalisateur s'engouffre dans un marasme de références ciné "qu'il faut citer parce que c'est trop la classe". A force, le spectateur est épuisé.
Le film-hommage est donc quelque chose d'assez complexe : les créateurs ne doivent pas tomber dans le piège de la citation à outrance et doivent être plus subtils. Sur ce tableau, Attack the Block est une réussite. Et niveau "Invasion alien", il enfonce Super 8.